Introduction & remerciements

Bienvenue à tous sur le blog de la HRP de l'espace !

Vous y trouverez le récit de notre traversée complète des Pyrénées par la HRP (ou Haute Randonnée Pyrénéenne, pour les non-initiés), en 27 jours, entre le 13 août et le 09 septembre 2016. Nous avons choisi d'effectuer la traversée d'Ouest en Est, de Hendaye à Banyuls, de l'Atlantique à la Méditerranée.

Notre itinéraire (tracé à l'arrache sous Paint)

Ce blog, en toute modestie, s'efforcera de répondre à une triple ambition :
- une vision objective et constructive d'une randonnée bien menée,
- un récit joyeux, souriant, faisant l'éloge des magnifiques sommets pyrénéens,
- une mine d'informations pratiques pour les futurs HRPistes.

Cependant, dans la pratique, ce blog sera souvent :
- une histoire de souffrance et de douleurs, de renoncements successifs,
- l'occasion pour le futur HRPiste de remettre en question son organisation, son matériel, ses certitudes,
- ...

Mais surtout, vous y trouverez un condensé de joies, de peines, d'espoirs, bref : un condensé de vie. Et si vous hésitez à vous lancer dans une HRP, nous espérons qu'après cette petite lecture, vous n'hésiterez plus !

A propos, qui sommes nous ? Une présentation rapide s'impose :


Protagoniste n°1 : Mathieu, a.k.a. Hardcore Matt. D'un optimisme débordant, il est toujours en forme. Passionné de montagne, d'escalade, de ski de rando et de tout type de trucs débiles (mais on partage tous un peu ça), c'est le principal instigateur de cette aventure.


Protagoniste n°2 : Guillaume a.k.a Smoothfeet. Réfléchi et implacable, il est en béton armé. Habituellement, son terrain de jeu est plutôt le vélo, mais il a accepté une dérogation pour cette fois. Il nous accompagne sur les deux premiers jours.





Protagoniste n°3: Antoine a.k.a Furious Jourq. D'excellente humeur tous les jours impairs et quand il n'a pas faim. C'est un compagnon solide et une valeur sûre des plans foireux. S'il n'a pas le pied alpin, il est doté d'une forme intéressante d'équilibre qui lui permet de toujours se rattraper au dernier moment.





Nous souhaitons également remercier la famille, les amis, pour leur soutien logistique, financier ou moral et sans lesquels rien n’eut été possible. Cette aventure, si nous n'étions que deux ou trois à marcher, a été imaginée et suivie par bien plus de monde. A eux tous, un grand merci. 


Enfin juste avant de commencer : une dédicace toute particulière à celui qui nous aura permis, par son propre récit sur internet, de préparer notre HRP et d'intégrer le club très fermé de "ceux qui l'ont fait" ; j'ai nommé Pascal Leray, que nous n'avons jamais rencontré, mais qui nous a pourtant accompagné (et souvent devancé) au quotidien pendant cette traversée à travers son excellent récit: http://leraypascal1.free.fr/hrp/


Bonne lecture à tous.







Jour 0, samedi 13 août 2016 : Le Grand Départ

C’est le grand jour ! Depuis qu’on attend cela, on va enfin attaquer cette HRP qu’on aura passé près de 4 mois à préparer. Réveil matinal (7h) pour Antoine et Sophie, il faut être à 8h chez Guillaume et 8h30 chez Mathieu. Guillaume est sur le pied de guerre, « on time » comme d’habitude, à attendre sur le pas de la porte de chez lui. En arrivant allée des Canettes, nous sommes accueillis par le grand Matthias, qui a déposé Mathieu chez lui la veille. Il nous souhaite bon courage, on en aura besoin. Arrivée chez Antoine à 9h30, on peut commencer la répartition des affaires. La tâche est rude : 200€ de courses à répartir en 3 packs :

- Pack 1 : ce qu’on met dans les sacs pour les 6 premiers jours
- Pack 2 : ce qu’on met dans le carton de Lescun à envoyer en poste restante
- Pack 3 : le carton de l’Aneto, à déposer chez Mathieu pour son père


L’ambiance est fiévreuse. Mathieu considère qu’on a trop de bouffe, que c’est trop lourd. Antoine considère qu’il aura faim, qu’il a besoin de ses 10 tablettes de chocolat. Guillaume s’en fout un peu, il est prêt à péter des gueules. Mais les choses avancent, sous l’œil amusé de Sophie, qui prend quelques photos.


Enfin, le colis pour Lescun est prêt : 12kg. Lyophi, Saucisson, nourriture énergétique, chocolat, gaz. Tout ce qu’il faut pour tenir les 8 jours entre Lescun et l’Aneto. Guillaume et Antoine l’apportent à la poste où il faut le charger dans 2 cartons de 7kg. De retour de la poste, c’est l’heure de charger les sacs, et surtout de les peser. Le résultat est sans appel : 14kg pour celui de Mathieu, 15kg pour Guillaume et 17kg pour Antoine. C’est beaucoup trop lourd. S’ensuit un débat pour savoir quoi retirer. Finalement, quelques médicaments en moins et un drap de sac en coton de 400g permettent d’abaisser un peu le poids du Deuter ACT Lite surchargé.

Le train pour Hendaye est à 17h25, il faut donc quitter la maison à 16h00. Le départ s’effectue la gorge serré : le saut dans l’inconnu. Versailles Chantiers. On se rend compte qu’on a oublié le pique nique du soir dans le coffre de la voiture. Sûrement l’émotion du départ. Ça promet.
Le voyage en train dure 6h. Six longues heures pendant lesquelles la tension est palpable. L’appréhension de l’inconnu, la fatigue aussi, laisse place au doute et aux questions : quid des patous ? des ours ? de l’eau dans les premières étapes ? La météo ? Mathieu se veut rassurant, mais la tension est là.

Arrivée à Hendaye : 23h10. Descente du train ; ça y est, la rando commence. On est en pleine feria, de la musique s’élève de la ville. Première action pour nous : aller toucher l’Atlantique au port d’Hendaye-ville. Un détour obligatoire pour quiconque se lance dans une HRP. Petite photo, et c’est parti : il nous faut nous extraire de la ville pour aller planter la tente au plus vite. Premier défi : trouver le GR 10. Première galère aussi, on part dans la mauvaise direction. Ça promet pour la topo. Finalement, un coup de boussole et de carte, et c’est parti, on trouve le fameux GR. On le suit pendant 40min, sur ses premiers kilomètres, avant de trouver un champ dégagé à droite du chemin, sur les hauteurs de Handaye. Il fait très chaud, tout le monde est en sueur. On décide de ne monter que la toile extérieur pour tenir à 3 dessous et s’économiser un montage de tente. Première nuit confortable, ponctuée par des attaques de moustiques qui boufferont Guillaume et Antoine, mais laisseront Mathieu tranquille.





Jour 1, dimanche 14 août 2016 : La ruine de la Rhune

Réveil à 6h30 pour cette première étape de notre HRP. Petit déjeuné vite avalé (céréales Lion + Muesli choco), et c’est parti. La journée s’annonce longue. Il nous faut suivre le GR10 jusqu’au col d’Ibardin, où nous l’abandonnons pour attaquer la Rhune. Malheureusement, une première erreur de topo nous inflige un détour assez long et couteux en dénivelé, mais incluant au passage notre premier sommet : le Xenockukagluglu (ou un truc dans le genre, les noms basques c’est vraiment nawak). Il fait très chaud, les sacs sont lourds, et nos petits muscles ne sont pas encore en acier trempé : nous souffrons beaucoup. Enfin surtout Antoine et Guillaume, Mathieu lui est plus à l’aise. Il faut dire qu’il s’est préparé sérieusement avant l’aventure, incluant même une rando de deux jours dans les Alpes pour tester le matériel.

La vue est magnifique depuis la crête frontière, mais les sources sont rares ici, nous sommes obligés d’acheter des bouteilles d’eau à une venta espagnole au col d’Ibardin. Puis, nous ne parvenons pas à suivre les indications du guide Verron, et nous nous trompons de route, entrainant un dénivelé beaucoup plus important que prévu. Nous descendons ainsi au fond d’une vallée, alors qu’on n’aurait jamais du y passer.

Nous nous arrêtons pour notre premier repas de midi à côté d’un petit restaurant côté espagnol, en plein milieu d’un chemin forestier. Il fait très chaud, nous avons mal aux pieds et au dos. Les sacs lourds se font sentir. C’est parti pour les premiers lyophilisés ! « Jägertopf mit Rindfleisch », « Pasta mit Paprika Sauce », « Chili con carne », ça attaque fort avec ces lyophi Travelunch qui ne nous quitterons pas pendant 1 mois. Mais je ne peux rien avaler. Détruit par l’effort et l’appréhension de ce qu’il nous reste à parcourir, mon estomac m’envoie un signal clair : « voyage léger, mec, pas de repas pour toi, tu es déjà BEAUCOUP TROP gras ! ». Je mangerai donc un tiers de mon lyophi, laissant le reste à un Guillaume qui ne se laisse pas démonter ! Mathieu lui essaie de rationnaliser les choses et de maintenir la cohésion de l’équipe. « On s’est bien chié, mais ça va le faire ». Après 30 minutes de sieste à l’arrache sur nos super tapis de sol à tout faire, nous décidons de repartir, sous la chaleur d’une après-midi qui s’avérera être une des pires de ma vie. Au moins 2h de marche nous sont nécessaires pour retrouver le sentier qui mène à la Rhune. Après avoir questionné tous les touristes du coin, nous trouvons 2 petits vieux qui nous indiquent un « raccourci » hors sentier sur une pente à 45° dans les fougères. Guillaume est au bord de l’hypoglycémie, nous le re-sucrons, puis enfin la Petite Rhune est en vue ! Pas trop top. Que ces sacs sont lourds… Et cette chaleur qui nous écrase littéralement, il fait au moins 38°C…

C’est complètement déshydratés que nous atteindrons finalement le sommet de la Rhune vers 17h. Là, une pause s’impose dans la venta du coin (y en a pas 50 et ils le savent : jamais payé aussi cher une bouteille d’eau…). Je m’effondre en sieste sur la table. La vue au sommet est tout de même splendide, et même s'il fait chaud, on a de la chance d'avoir ce temps là ! Photos, puis c’est une longue descente vers le versant espagnol qui commence, au milieu d’arbustes aussi piquants que nombreux. Nous croisons un couple de randonneurs plutôt solides : ils finissent une demi-HRP Luchon -> Hendaye, en 15 jours, et ont l’air plutôt à l’aise sur cette pente raide et glissante. Nous échangeons rapidement ; on a encore du mal à réaliser que nous, on est lancé dans une HRP complète ! ça va être chaud…



Vue sur toute la côte basque au sommet de la Rhune



Finalement, à bout de force, nous décidons de camper sur la première surface plane que nous croisons, au pied de la Rhune, et au milieu des chevaux. On est 2h moins loin que prévu. Les chiffres de cette première journée : temps de marche : 8h ; distance parcourue : 22.5km ; 1400D+ ; 1300D-. Il faudra faire mieux demain.








Jour 2, lundi 15 août 216: Le pays de la soif.



La nuit a été des plus particulières. Si les conditions météorologiques ne nous ont pas dérangées (même sans la bâche extérieure ; c’est-à-dire en moustiquaire), nous avons été dérangés dès 4h du matin par un troupeau de chevaux qui s’amusaient à courir dans tous les sens, faisant un bouquant du diable et nous donnant parfois l’impression de vouloir nous charger. Une nuit agitée, somme toute.
Réveil matinal, comme tous les jours en fait, mais je vais continuer à l’évoquer régulièrement tant il a été difficile de s’y habituer !
Au même titre que la majorité des jours qui vont suivre, on commence l’étape « en retard » par rapport à notre plan initial. La première étape difficile d’hier nous a mis en retard de deux heures environ, à condition de rejoindre le col de Narbalatz sans encombres. C’est donc notre première étape.

Sans indications claires autres que celles données par le topo guide (quelque peu dépassées, on y reviendra...), on ne trouve pas directement le sentier, mais une piste, qui finira par rejoindre le GR11 espagnol, menant au col objectif.

 Il nous aura fallu 2h30. Une demi-heure de retard supplémentaire. Courte pause, et on repart en direction d’Elizondo à 22km de là. Heureusement, depuis la rédaction de notre ancien topo-guide, le GR11 a fait son apparition et il est ici clairement balisé. Aucun risque de se perdre donc, et c’est un soulagement en soi.



Je marche devant, en compagnie d’Antoine, forçant un peu le rythme. C’est la première fois qu’on peut relâcher un peu la pression quant à la topographie, et la conversation va gaiement. On se questionne sur l’évolution de nos performances au cours du voyage, sur l’état de nos pieds, et malheureusement aussi sur l’état de Guillaume, qui semble peiner plus que de raison. Ceci dit, jusqu’à notre pause de midi, tout va bien. On a déjà bien marché, et une bonne heure de repos s’impose, à l’ombre d’un grand arbre. Seul bémol : Pas d’eau à l’horizon. Nos gourdes sont encore assez remplies, alors on accepte d’en sacrifier une partie pour nos lyophilisés, au risque d’en manquer avant la prochaine source, qu’on espère trouver avant Elizondo. 



L’état des pieds de Guillaume est inquiétant. Il fait chaud, et ses lourdes chaussures imperméables se transforment en piscines, avec les conséquences qui s’ensuivent. Les chaussures d’Antoine sont plus respirantes, et les miennes plus basses.
L’après-midi se transforme en calvaire, similaire à celui de la veille. Pas beaucoup d’eau, il nous faut dont être économe. Une température de plus en plus insupportable, et un sentier à flanc de colline où l’ombre se fait rare. Je marche toujours devant, accompagné d’Antoine, forçant malgré moi le rythme dans l’espoir de trouver au plus vite de l’eau. Pas tant que je m’inquiète pour moi, mais l’état de Guillaume et les nerfs d’Antoine se dégradent à vue d’œil.
C’est quelques deux heures plus tard qu’on finira par trouver un semblant de source. On remplit nos gourdes, on micropure, et on s’abreuve un peu. Plus aucun risque de manquer avant la ville. Légère altercation entre Antoine et moi, quant à la nécessité, où non, d’enfiler les pantalons longs pour traverser un dense sous-bois. Dépité, je finis par imposer la descente sur le goudron pour mettre fin au débat.
Elizondo est proche, mais l’état de Guillaume est devenu vraiment préoccupant. S’il n’y a aucun doute qu’il arrivera jusque-là, la question de son état après se pose : Quel intérêt pour lui de souffrir encore 3 jours consécutifs ? Surtout qu’il nous ralentit, il le sait, et même si ni Antoine ni moi ne lui en tiendrons jamais rigueur, ça doit peser sur sa conscience. Je prends donc mon courage à deux mains et lui évoque la possibilité de rester à Elizondo, et d’y trouver un moyen de transport pour rejoindre la gare française la plus proche. Il ne faut pas longtemps pour qu’on tombe tous d’accord. C’est malheureusement ici la meilleure chose à faire. On se pose sur un banc, dans Elizondo et on cherche avec le peu de réseau à disposition les différents moyens de rapatrier notre Guigui national.
Il rentrera donc en bus. Il trouve une place dans une auberge de jeunesse après avoir fait tous les hôtels bondés de coin (Et oui, on est encore fin août !).
Adieux déchirants, je crois qu’on est tous les trois sous le choc. Lors de nos aventures cyclistes précédentes, Guillaume n’avais que très rarement montré signe de fatigue…
Pour Antoine et moi, pas le temps de respirer : Il est déjà tard, et Elizondo aurait dû n’être que la moitié de notre étape ! On repart alors dans le but d’avaler le plus de distance possible avant de devoir planter la tente, quand la nuit sera tombée.
Elle tombe bien vite, et devant l’absence évidente de lieux paisibles où s’installer, on demande à un local, propriétaire de quelques maisons dans un domaine qu'on aura finalement très peu vu, s’il peut nous héberger. On arrive à se comprendre à peu près, dans un anglais moyen.


On s’installe rapidement entre quelques murets, on se douche dans la rivière adjacente, on chasse un serpent et on se couche, explosé, et sous le choc.

Jour 3, mardi 16 août : Le dédale des Aldudes




Après une nuit agréable dans le jardin d’un restaurateur basque, nous partons de bon matin sur le goudron, direction la France; Première halte au village de Beartzun, où nous avons quelques peines à trouver le sentier qui monte vers la crête frontière.





On rencontre après quelques détours trois Hendayais qui nous rassurent quant à la direction à prendre. Rencontre insolite avec une grosse truie sur le chemin. L’arrivée sur la crête est magnifique. Courte pause, où Mathieu en profite pour potasser le Véron.


La vue est somptueuse sur la vallée suivante :















C'est ensuite un vrai labyrinthe de collines et vallons pour arriver aux Aldudes, mais y passer nous ferait redescendre plus encore dans la vallée, et il est plus rapide de s’engager directement dans la remontée vers Urepel et vers le col du Lindus. Pause midi + sieste au bord d’une petite rivière charmante mais fraîche !


Puis, c'est sous un soleil de plomb que nous arpentons un sentier sans doute très bon en 1979 (date de notre topo-guide); impraticable en 2016. On contourne; on galère; mais on finit par retrouver un sentier qui s’élève vers le col, bordé de palombières toutes plus hautes les unes que les autres. Finalement, nous arrivons au pied de la redoute du Lindus, où le petit robinet d’une citerne d’eau nous permet un confort comme à la maison !

Nous passons une nuit fort agréable, avec au loin les cloches des chevaux et moutons.



Jour 4, mercredi 17 août 2016: L'enfer blanc.




La nuit fut parfaite. Réveil classique puis ascension rapide des quelques 150m de dénivelé qui nous séparent de la redoute de Lindus qui étale ses anciennes fortifications napoléoniennes à 1221 mètres d'altitude. On est ici à une paire de kilomètres du célèbre col de Roncevaux/Ibaneta où dans un passé ancien, l'armée de Charlemagne subit une défaite cuisante. Après avoir razzié Pampelune, elle fut attaquée par les Wascons. Roland armé de son célèbre cor y laissa la vie.




Panorama magnifique, belle brume qui couvre la plaine mais laisse libre la ligne de crête frontière. On suivra celle-ci sans encombres, suivant une piste de pèlerinage, "artillant" kilomètre après kilomètre, jusqu’au parking au pied de la tour d’Urkulu.  On parvient même à joindre une chambre d’hôte sur Lescun, qui accepte d’aller chercher nos colis à la poste et nous autorise donc notre jour de retard sur le planning initial. Parfait.
Trop, sans doute. La journée ne pouvait pas se dérouler sans accroches. Pour rejoindre le col d’Erozaté, il va nous falloir traverser un épais brouillard. Deux choix s’offrent à nous : Traverser dans l’axe, par les cabanes d’Elhursaro, où contourner le cirque par le sud. On se lance dans le contournement. Grave erreur. Il n’existe pas de sentier, on chemine difficilement à flanc de montagne, dans des herbes trempées par la bruine qui nous montent jusqu’aux cuisses. En une demi-heure, on est dans le même état que si on avait plongé dans une piscine. Qui plus est, on doit faire très attention à ne pas glisser ; la pente étant très engagée,  la chute pourrait ici être fatale. On ne voit pas où on met les pieds, et Antoine, lors de l’une de ses nombreuses chutes, brisera l’un de ses deux bâtons. Seule bonne surprise, la rencontre inattendue avec 3 superbes rapaces qui ne semblaient pas motivés pour pratiquer du PSV dans ces conditions.
Au bout de deux heures, on abandonne. On est totalement perdu, et le cirque semble sans fin. On rebrousse chemin, et c’est en suivant la montre GPS qu’on trouvera, tant bien que mal, les cabanes d’Elhursaro. On s’y arrête manger, à l’extérieur, gelé, trempé, mais la faim est trop grande.

Dans la mesure où l’on ne récupère pas du tout, la pause a été de courte durée. On remonte cette fois sur le versant opposé, manquant de peu de rater le sentier dissimulé sous les herbes qui remonte au col d’Erozaté. Ici, la chute est interdite, malgré les herbes et nos semelles trempées. Antoine perd à plusieurs reprises l’équilibre, mais parvient à chaque fois à se rétablir. De nous deux, je suis certainement celui qui a le plus peur à chaque fois que ça se produit (c’est-à-dire aux alentours de 10 fois par jours), et c’est seulement une fois arrivé à Font Romeu que j’aurai appris à ne plus y faire attention, puisque d’expérience, un Jourquin retombe toujours sur ses pattes.

Une fois au col, la météo qu’on espérait meilleure ne se dégage pas. Au moins, on retrouve une piste que le GR (et nous, par la même occasion) allons suivre pour le restant de la journée. A partir de là, on peut recommencer à « artiller » des kilomètres. Mais le moral a pris un coup : toute cette escapade, non contente de nous avoir gelée jusqu’aux os et trempée tout notre matériel, nous a fait prendre quelques 5 bonnes heures de retard.


          Pour rester éveillés et ne pas trop y penser, on se posera des énigmes à tour de rôle pendant quelques heures… Jusqu’à ce qu’on décide de s’arrêter. Sans être tout à fait perdu (Puisqu’on suit toujours le bon GR), on ne sait tout de même pas trop où l’on est. On essaye de trouver un endroit à peu près plat, qu’on dégage tant bien que mal du tapis de crottes de mouton omniprésentes, et on monte notre tente sous la pluie. On se déshabille, on enfile quelques affaires sèches, on dîne et on essaie de dormir dans cette humidité ambiante, priant pour que les conditions s’améliorent dans la nuit…