La nuit fut parfaite. Réveil classique puis ascension rapide des quelques
150m de dénivelé qui nous séparent de la redoute de Lindus qui étale ses anciennes
fortifications napoléoniennes à 1221 mètres d'altitude. On est ici à une paire
de kilomètres du célèbre col de Roncevaux/Ibaneta où dans un passé ancien,
l'armée de Charlemagne subit une défaite cuisante. Après avoir razzié
Pampelune, elle fut attaquée par les Wascons. Roland armé de son célèbre cor y
laissa la vie.
Panorama magnifique, belle brume qui couvre la plaine mais laisse libre la
ligne de crête frontière. On suivra celle-ci sans encombres, suivant une piste
de pèlerinage, "artillant" kilomètre après kilomètre, jusqu’au parking au pied de
la tour d’Urkulu. On parvient même à
joindre une chambre d’hôte sur Lescun, qui accepte d’aller chercher nos colis à
la poste et nous autorise donc notre jour de retard sur le planning initial.
Parfait.
Trop, sans doute. La journée ne pouvait pas se dérouler sans accroches.
Pour rejoindre le col d’Erozaté, il va nous falloir traverser un épais
brouillard. Deux choix s’offrent à nous : Traverser dans l’axe, par les
cabanes d’Elhursaro, où contourner le cirque par le sud. On se lance dans le
contournement. Grave erreur. Il n’existe pas de sentier, on chemine
difficilement à flanc de montagne, dans des herbes trempées par la bruine qui
nous montent jusqu’aux cuisses. En une demi-heure, on est dans le même état que
si on avait plongé dans une piscine. Qui plus est, on doit faire très attention
à ne pas glisser ; la pente étant très engagée, la chute pourrait ici être fatale. On ne voit
pas où on met les pieds, et Antoine, lors de l’une de ses nombreuses chutes,
brisera l’un de ses deux bâtons. Seule bonne surprise, la rencontre inattendue
avec 3 superbes rapaces qui ne semblaient pas motivés pour pratiquer du PSV dans
ces conditions.
Au bout de deux heures, on abandonne. On est totalement perdu, et le cirque
semble sans fin. On rebrousse chemin, et c’est en suivant la montre GPS qu’on
trouvera, tant bien que mal, les cabanes d’Elhursaro. On s’y arrête manger, à
l’extérieur, gelé, trempé, mais la faim est trop grande.
Dans la mesure où l’on ne récupère pas du tout, la pause a été de courte
durée. On remonte cette fois sur le versant opposé, manquant de peu de rater le
sentier dissimulé sous les herbes qui remonte au col d’Erozaté. Ici, la chute
est interdite, malgré les herbes et nos semelles trempées. Antoine perd à
plusieurs reprises l’équilibre, mais parvient à chaque fois à se rétablir. De
nous deux, je suis certainement celui qui a le plus peur à chaque fois que ça
se produit (c’est-à-dire aux alentours de 10 fois par jours), et c’est
seulement une fois arrivé à Font Romeu que j’aurai appris à ne plus y faire
attention, puisque d’expérience, un Jourquin retombe toujours sur ses pattes.
Une fois au col, la météo qu’on espérait meilleure ne se dégage pas. Au
moins, on retrouve une piste que le GR (et nous, par la même occasion) allons
suivre pour le restant de la journée. A partir de là, on peut recommencer à
« artiller » des kilomètres. Mais le moral a pris un coup : toute cette escapade, non contente de nous avoir gelée jusqu’aux os et trempée
tout notre matériel, nous a fait prendre quelques 5 bonnes heures de retard.
Pour rester éveillés et ne pas trop y penser, on se posera des énigmes à tour de rôle pendant quelques heures… Jusqu’à ce qu’on décide de s’arrêter. Sans être tout à fait perdu (Puisqu’on suit toujours le bon GR), on ne sait tout de même pas trop où l’on est. On essaye de trouver un endroit à peu près plat, qu’on dégage tant bien que mal du tapis de crottes de mouton omniprésentes, et on monte notre tente sous la pluie. On se déshabille, on enfile quelques affaires sèches, on dîne et on essaie de dormir dans cette humidité ambiante, priant pour que les conditions s’améliorent dans la nuit…
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